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03 avril 2008

Un poème par jour...

J'ai une tendresse particulière pour ce poème-ci. D'abord parce qu' Eluard fut un poète que Dominique me fit mieux connaître dès le début de notre histoire d'amour. Ensuite, pour l'évidente raison de son titre et de son propos... :-)


Paul Eluard
1895 - 1952


Dominique aujourd'hui présente

Toutes les choses au hasard
Tous les mots dits sans y penser
Et qui sont pris comme ils sont dits
Et nul n'y perd et nul n'y gagne

Les sentiments à la dérive
Et l'effort le plus quotidien
Le vague souvenir des songes
L'avenir en butte à demain

Les mots coincés dans un enfer
De roues usées de lignes mortes
Les choses grises et semblables
Les hommes tournant dans le vent

Muscles voyants squelette intime
Et la vapeur des sentiments
Le coeur réglé comme un cercueil
Les espoirs réduits à néant

Tu es venue l'après-midi crevait la terre
Et la terre et les hommes ont changé de sens
Et je me suis trouvé réglé comme un aimant
Réglé comme une vigne

A l'infini notre chemin le but des autres
Des abeilles volaient futures de leur miel
Et j'ai multiplié mes désirs de lumière
Pour en comprendre la raison

Tu es venue j'étais très triste j'ai dit oui
C'est à partir de toi que j'ai dit oui au monde
Petite fille je t'aimais comme un garcon
Ne peut aimer que son enfance

Avec la force d'un passé très loin très pur
Avec le feu d'une chanson sans fausse note
La pierre intacte et le courant furtif du sang
Dans la gorge et les lèvres

Tu es venue le voeu de vivre avait un corps
Il creusait la nuit lourde il caressait les ombres
Pour dissoudre leur boue et fondre leurs glacons
Comme un oeil qui voit clair

L'herbe fine figeait le vol des hirondelles
Et l'automne pesait dans le sac des ténèbres
Tu es venue les rives libéraient le fleuve
Pour le mener jusqu'à la mer

Tu es venue plus haute au fond de ma douleur
Que l'arbre séparé de la forêt sans air
Et le cri du chagrin du doute s'est brisé
Devant le jour de notre amour

Gloire l'ombre et la honte ont cédé au soleil
Le poids s'est allégé le fardeau s'est fait rire
Gloire le souterrain est devenu sommet
La misère s'est effacée

La place d'habitude où je m'abêtissais
Le couloir sans réveil l'impasse et la fatigue
Se sont mis à briller d'un feu battant des mains
L'éternité s'est dépliée

O toi mon agitée et ma calme pensée
Mon silence sonore et mon écho secret
Mon aveugle voyante et ma vue dépassée
Je n'ai plus eu que ta présence

Tu m'as couvert de ta confiance.




Portrait de Paul Eluard par Salvador DALI (1929)

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