1868 - 1938
Tristesses
(extrait)
Ô mon cœur! ce sera dans l’Août bleu et torride.
Lasse, vous poserez sur le coffret de buis
vos ciseaux où s’accrochera de la lumière.
Vous laisserez aller votre taille en arrière.
Vous fermerez vos cils sur vos yeux de lavande
dont l’Été semblera parfumer votre chambre.
Il sera je ne sais quelle heure après-midi:
l’heure où la guêpe en feu va boire dans le puits.
J’arriverai, par le grand soleil ébloui.
Je vous verrai ainsi, ô ruche pleine d’aube,
moulée par le sommeil dans votre chaste robe.
Et je m’approcherai tout doucement de vous,
et, sans vous déranger, mettrai sur vos genoux
des fraises et du pain et du sucre d’abeille.
Bientôt, vous éveillant de ce demi-sommeil,
vos lèvres écloront sur ces fruits et ce miel
comme une rose tendre et toute caressée
ou comme un abricot plein d’encens qui s’entrouvre.
Ô ménagère amie, framboise des forêts,
chaperon rouge errant qui se nourrit de baies,
ô vous qui par moments à mes yeux évoquez
la gravure où Perrette a renversé son lait:
vous ne me direz pas combien vous accablait
cette sieste où l’Été fait peser son délire.
Vous vous relèverez. Vous me regarderez.
Et, pleine d’un sanglot, alors vous sentirez
sourire dans mon cœur votre propre sourire.
Nous nous aimerons tant que nous tairons nos mots,
en nous tendant la main, quand nous nous reverrons.
Vous serez ombragée par d’anciens rameaux
sur le banc que je sais où nous nous assoierons.
C’est là que votre amie, cette fée du hameau,
gracieuse comme au temps de Jean-Jacques Rousseau,
et bonne comme on est quand on a bien souffert,
c’est là, dans le secret de ces asiles verts,
qu’elle parla de vous à celui qui vous aime.
Donc nous nous assoierons sur ce banc, tous deux seuls,
à l’heure où le soleil empourprant l’écureuil
descend sur la pelouse où sont les poulinières.
D’un long moment, ô mon amie, vous n’oserez...
Que vous me serrez douce et que je tremblerai...
(extrait)
Ô mon cœur! ce sera dans l’Août bleu et torride.
Lasse, vous poserez sur le coffret de buis
vos ciseaux où s’accrochera de la lumière.
Vous laisserez aller votre taille en arrière.
Vous fermerez vos cils sur vos yeux de lavande
dont l’Été semblera parfumer votre chambre.
Il sera je ne sais quelle heure après-midi:
l’heure où la guêpe en feu va boire dans le puits.
J’arriverai, par le grand soleil ébloui.
Je vous verrai ainsi, ô ruche pleine d’aube,
moulée par le sommeil dans votre chaste robe.
Et je m’approcherai tout doucement de vous,
et, sans vous déranger, mettrai sur vos genoux
des fraises et du pain et du sucre d’abeille.
Bientôt, vous éveillant de ce demi-sommeil,
vos lèvres écloront sur ces fruits et ce miel
comme une rose tendre et toute caressée
ou comme un abricot plein d’encens qui s’entrouvre.
Ô ménagère amie, framboise des forêts,
chaperon rouge errant qui se nourrit de baies,
ô vous qui par moments à mes yeux évoquez
la gravure où Perrette a renversé son lait:
vous ne me direz pas combien vous accablait
cette sieste où l’Été fait peser son délire.
Vous vous relèverez. Vous me regarderez.
Et, pleine d’un sanglot, alors vous sentirez
sourire dans mon cœur votre propre sourire.
Nous nous aimerons tant que nous tairons nos mots,
en nous tendant la main, quand nous nous reverrons.
Vous serez ombragée par d’anciens rameaux
sur le banc que je sais où nous nous assoierons.
C’est là que votre amie, cette fée du hameau,
gracieuse comme au temps de Jean-Jacques Rousseau,
et bonne comme on est quand on a bien souffert,
c’est là, dans le secret de ces asiles verts,
qu’elle parla de vous à celui qui vous aime.
Donc nous nous assoierons sur ce banc, tous deux seuls,
à l’heure où le soleil empourprant l’écureuil
descend sur la pelouse où sont les poulinières.
D’un long moment, ô mon amie, vous n’oserez...
Que vous me serrez douce et que je tremblerai...
Portrait de Francis Jammes, par Jacques-Emile Blanche
(Musée des Beaux Arts, Rouen)
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