1839 - 1873
Les Petites Amoureuses
Est-ce vous que j’aimai la première, Lucile,
Lorsque j’eus mes quinze ans ? Est-ce vous, indocile
Écolière, toujours courant par les buissons ?
Ne serait-ce point vous, Laurette ? Vos chansons
Étaient d’un rossignol qui chante sous la nue,
Et nous admirions tous votre grâce ingénue.
Mais Suzanne était blonde, et Suzanne pouvait
Dire aux pêches : « Voyez si votre fin duvet
Vaut l’ambre qui tressaille aux deux coins de mes lèvres ! »
Enfantines amours, rougeurs, premières fièvres,
Qui me fit vous connaître, et qui me fit chercher
L’ombre et les petits coins du bois pour m’y cacher ?
Lucile allait souvent visiter sa nourrice
Et s’y rendait par un sentier plein de caprice,
Ombreux, baigné parfois de lumière. J’allais
Avec elle, prenant son bras quand je voulais.
Je mettais en jouant mon doigt dans les fossettes
De sa joue, et cueillais pour elle des noisettes ;
Nous causions bruyamment en chemin. Sans savoir
Pourquoi, je regardais Laurette à son miroir.
C’est qu’elle était charmante ; et j’allais derrière elle
Doucement, l’appelant coquette. Une querelle
Entre nous s’engageait alors. Elle disait
Que j’étais un taquin et qu’un homme ne sait
Qu’être méchant toujours ; elle faisait la dame.
Suzanne, près de toi je tremblais, ô jeune âme !
On m’avait défendu de te suivre au jardin ;
Pourtant nous y courions tous deux chaque matin.
Laquelle de vous trois la première ai-je aimée,
Blanches filles, essaim joyeux, divin camée
Où, purs et souriants, se groupent trois profils
D’enfants aux longs regards humides sous les cils ?
Laquelle de vous trois, ô Suzanne ! ô Laurette !
Lucile ! m’enivra de cette amour secrète
Qui ne reviendra plus faire battre mon cœur ?
Laquelle m’a versé cette chère liqueur
Que je n’oserais plus approcher de ma bouche,
Maintenant qu’agité par un désir farouche,
Près de celles qui m’ont fait ramper à genoux,
J’ai proféré l’aveu contenu devant vous ?
Est-ce vous que j’aimai la première, Lucile,
Lorsque j’eus mes quinze ans ? Est-ce vous, indocile
Écolière, toujours courant par les buissons ?
Ne serait-ce point vous, Laurette ? Vos chansons
Étaient d’un rossignol qui chante sous la nue,
Et nous admirions tous votre grâce ingénue.
Mais Suzanne était blonde, et Suzanne pouvait
Dire aux pêches : « Voyez si votre fin duvet
Vaut l’ambre qui tressaille aux deux coins de mes lèvres ! »
Enfantines amours, rougeurs, premières fièvres,
Qui me fit vous connaître, et qui me fit chercher
L’ombre et les petits coins du bois pour m’y cacher ?
Lucile allait souvent visiter sa nourrice
Et s’y rendait par un sentier plein de caprice,
Ombreux, baigné parfois de lumière. J’allais
Avec elle, prenant son bras quand je voulais.
Je mettais en jouant mon doigt dans les fossettes
De sa joue, et cueillais pour elle des noisettes ;
Nous causions bruyamment en chemin. Sans savoir
Pourquoi, je regardais Laurette à son miroir.
C’est qu’elle était charmante ; et j’allais derrière elle
Doucement, l’appelant coquette. Une querelle
Entre nous s’engageait alors. Elle disait
Que j’étais un taquin et qu’un homme ne sait
Qu’être méchant toujours ; elle faisait la dame.
Suzanne, près de toi je tremblais, ô jeune âme !
On m’avait défendu de te suivre au jardin ;
Pourtant nous y courions tous deux chaque matin.
Laquelle de vous trois la première ai-je aimée,
Blanches filles, essaim joyeux, divin camée
Où, purs et souriants, se groupent trois profils
D’enfants aux longs regards humides sous les cils ?
Laquelle de vous trois, ô Suzanne ! ô Laurette !
Lucile ! m’enivra de cette amour secrète
Qui ne reviendra plus faire battre mon cœur ?
Laquelle m’a versé cette chère liqueur
Que je n’oserais plus approcher de ma bouche,
Maintenant qu’agité par un désir farouche,
Près de celles qui m’ont fait ramper à genoux,
J’ai proféré l’aveu contenu devant vous ?
Albert Glatigny
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